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J’ignorais jusqu’à présent si j’allais évoquer mon métier sur ce blog … Il faut dire que l’unanimité qu’une immense majorité de Français n’aime pas le métier que j’exerce pourtant depuis des années, avec passion et dévouement… Fainéants, planqués, privilégiés… Je crois avoir tout entendu au sujet de mon métier. Comme disait d’ailleurs pépé, grand sage qu’il était, j’ai souvent été tentée de répondre : « La critique est facile, mais l’art est difficile… » ou « La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe » (sachant que c’est bien moi la colombe dans l’histoire, hein !!!) ou (celle-ci, c’est de mon cru !) « Vous n’avez qu’à passer le concours si c’est si enviable… »

Bon, pour les nombreux lecteurs qui n’auraient pas compris, voici une petite aide:

Qui suis-je ?

  1. J’utilise un bureau, des craies et un tableau.
  2. Je suis souvent en grève.
  3. J’aide les enfants à apprendre à lire (enfin, quand j’y arrive !).
  4. Et accessoirement à compter.
  5. Je cours toute la journée.
  6. Je regrette chaque matin d’avoir oublié mes boules Quiès.
  7. Je suis tout le temps en vacances.
  8. Je travaille dans une école.

Ben oui, je vous le donne en mille !!! Vous avez bien compris (si ce n’était déjà le cas avant…).

Et bien figurez-vous que je m’interroge énormément sur mon métier, particulièrement depuis que j’ai mis un orteil dans la grande famille pmesque !!

Voilà des années que je m’occupe d’enfants (déficients, jusqu’à cette année), scolarisés en ZEP (Vous savez, ces fameuses Zones d’Education sans les Parents ?). Ben oui, force est de constater que sur les milliers d’élèves que j’ai eu le plaisir de voir défiler en cour de récréation ces dernières années, dans les écoles que j’ai traversées (emploi à vie, oui, mais à titre provisoire chaque année…), une grande majorité est livrée à elle-même. Je me souviens de ce petit Alix, enfant adorable, quoique quelque peu turbulent qui, par exemple, arrivait parfois en classe le ventre vide, car papa et maman n’avaient rien préparé la veille au soir (et encore moins le matin !)… Ce petit Alix jouait jusqu’à des heures indues dans le chemin, en faisant les 400 coups, et il se débattait comme un lion pour attirer l’attention autour de lui (d’où les bêtises…), puisque personne ne lui en donnait jamais… Le petit Alix n’avait jamais d’effets personnels et je me souviens encore avec émotion de cette fois où, la journée durant, fiévreux et mal en point, il avait attendu désespérément que ses parents viennent le chercher, comatant sur une table de fortune que j’avais isolé pour qu’il soit au calme… Non seulement ses parents ne sont jamais venus le chercher mais, quand la cloche a sonné, il est parti mollement sous une pluie battante, avec pour seul abri le parapluie que je lui avais prêté.

Des petits Alix, j’en ai vu défiler et je crois que j’arrive de moins en moins à supporter cette situation…

Suite à la ponction de FIV1 et à la GEU, j’ai été arrêtée pendant 6 mois. J’ai craqué… Je n’avais plus l’énergie pour préparer mes leçons soirs et week-ends jusqu’à point d’heure, plus l’énergie pour jouer le rôle d’éducatrice à la place des parents et surtout plus l’énergie pour être spectatrice de cette misère infantile affligeante.

Quelle injustice !!! Dame nature, c’est vraiment une pute !!! Quand tu vois des gamines (la moyenne d’âge locale, pour le 1er enfant, est ici de 19 ans, contre 29 ans en France métropolitaine…) pondre comme des poules pour toucher les allocs, sans être fichues d’envelopper leur enfant d’un environnement sécurisant et stable. Pendant ce temps-là, toi, tu t’envoies des injections dans le bide en crevant d’envie de voir 2 barres sur ton test de grossesse et tu te retrouves à jouer parfois le rôle des parents en inculquant les valeurs et savoirs fondamentaux à ces petites têtes blondes… WTF ???

Craquage aussi, car, d’un point de vue logistique, c’est très compliqué (comme pour la plupart d’entre nous, je vous l’accorde, à la différence près que je n’ai aucune flexibilité dans mes horaires…).

Voici la matinée type d’une maîtresse en pma :

5h30 : réveil matinal pour la visite de contrôle au cabinet de Dr X.

6h15 : arrivée en trombe au dit cabinet, en espérant avoir coiffé toutes les autres dindes patientes au poteau !!

6h16 : prise de conscience : 4 grognasses patientes ont dormi sur place (il faut croire !!) et t’ont bien niqué devancé (je m’étais juré que coming out oblige, point de grossièretés je ne dirais ce jour, mais c’est bien les mots qui me traversent l’esprit quand je suis dans cette situation, croyez-moi !!)

6h24 : voilà une nouvelle dinde patiente qui sort du labo, non mécontente de t’annoncer que Dr X lui ayant donné son ordonnance lors du rdv précédent, elle en a profité pour aller faire sa pds et que donc, tu es rétrogradée d’une place, puisque techniquement, elle était là avant toi. Si vous êtes fortiches en calcul mental, c’est donc non plus 4, mais 5 dindes patientes qui te devancent désormais…

6h38 : tu t’es encore pris une rouste au Yam’s et tu pestes intérieurement : la journée est décidément vraiment toute pourrite. « Il manquerait plus qu’il m’annonce que la FIV est annulée… »

7h00 : la secrétaire de Dr X ouvre enfin le rideau métallique et, tel un troupeau de vaches, nous dévalons toutes ensemble les escaliers qui nous permettront (ou pas?) d’accéder aux chaises si convoitées qui trônent dans la salle d’attente. Le risque est réel: se retrouver dans le couloir, au rebus, sur des bancs juste trop inconfortables…

7h30 : tu te dis qu’il reste encore 2 morues devant toi et tu commences continues tes calculs : « Si Dr X se bouge un peu, en passant 10 minutes sur chaque patiente, à 7h50 c’est mon tour ! Sauf qu’en sortant, je dois passer au labo, puis à la pharmacie… 8h à l’école ? Ca va être chaud… Bon, heureusement que je suis très prévoyante : la directrice est au courant. Euh, la directrice est au courant ???» Vérification : c’est tout bon… « Avec un peu de chance, s’il n’y a pas grand monde au labo et à la pharmacie, à 8h20 je suis en route !! A 8h40, dans ma classe !! »

8h : Dr X te reçoit et après ta petite écho endovaginale du matin qui va bien, te voilà prête à foncer pour la suite des réjouissances. Bon, tant pis pour la liste de 300 questions que tu t’étais fait chier à noter (dans un coin de ta tête) : ce sera pour une prochaine !!

8h30 : ton petit sac isotherme sous le coude, contenant ton Précieux, tu fonces à toutes berzingues pour n’avoir QUE 50 minutes de retard. Bon, tu manques de te manger le camion qui roule en pleine gauche, mais ce n’est pas grave : c’est pour la bonne cause !!

8h50 : essoufflée, décoiffée, dépassée, tu pénètres dans ta classe, remerciant la personne qui a veillé sur tes élèves durant ton absence. Et là, la petite Ericka regarde ton bras et te dis : « Maîtresse, pourquoi t’as un pansement sur ton bras ? » Shit, je savais bien que j’avais oublié quelque chose…