Cultivons nos différences !

Avant tout, j’ai eu des nouvelles de E., le grand frère de M., évoqué dans mon dernier post. Je crois que les graines qu’on a planté ont commencé à pousser et c’est un vrai soulagement !

Il a finalement avoué à son oncle qu’il avait déjà emprunté sa moto et qu’ils s’étaient en effet vautrés avec son petit frère. L’oncle, extrêmement bienveillant avec ces garçons qu’il a pris sous son aile, a finalement retiré sa plainte, expliquant que c’était pour le faire réagir. Tout a l’air de rentrer dans l’ordre… Ouf !!!

Tout ce que vivent ces enfants, que je vois défiler sous mes yeux au quotidien, tout ce qu’est ma fille avec son histoire singulière, tout ce que je suis avec mon vécu atypique, tout ce que chacun de nous vit me questionnent sur la notion de normalité.

Parce que oui, c’est quoi au juste la norme ?

Est-ce qu’on est obligé de mettre des gens dans des cases ?

Je me souviens que pendant de longs mois, notre entourage nous a saoulé concernant le retard de motricité de notre Soleil.

Elle a marché à 20 mois. Il n’en fallait pas plus pour que le médecin traitant et la responsable du relais d’assistantes maternelles nous alertent régulièrement sur l’urgence d’agir.

Dans mon cœur de maman, je savais bien que notre Soleil progressait, et que c’était bien là l’essentiel. Qu’elle chantait déjà des comptines et faisait des phrases sujet/verbe/complément depuis fort longtemps. Qu’elle était tout simplement dans autre chose.

Mais à force d’entendre les autres la mettre dans une case, je l’ai amenée chez une ostéopathe spécialisée en bébé et chez une podologue. Pas tant par inquiétude que pour fermer la bouche à tous ces autres qui ne cessaient de chercher à comparer notre fille en l’enfermant dans une norme ô combien réductrice !

Quand la podologue a entendu parler ma fille, du haut de ses 17 mois, elle a éclaté de rire, me demandant presque ce que je faisais là. Elle m’a assurée qu’elle était dans le langage et que tout allait bien. Oui, elle sera peut-être (sans doute ?) appareillée vers 4-5 ans. Mais d’ici là, rien à faire d’autre que la laisser grandir et évoluer à son propre rythme.

Alors je me suis dit que je ne laisserai plus les autres impacter sur nos vies. Qu’ils pouvaient dire ou penser ce qu’ils voulaient mais que ça glisserait sur nous comme un souffle léger sur la peau.

Nous sommes tous différents. Et heureusement ! C’est ce qui fait la richesse de la vie.

Évidemment que chaque enfant a un rythme qui lui est propre. Qu’il faut absolument respecter, sans chercher à le le faire rentrer dans le moule en le stigmatisant. Certains ont besoin de plus de temps. Parfois, dans le cas du handicap, de beaucoup plus de temps. Mais l’essentiel est que chacun puisse progresser à son rythme… Même si le rythme nous paraît lent, trop lent…

Je n’ai jamais vu des enfants progresser davantage que quand ils sont soutenus, valorisés et encouragés ! C’est sans doute ce que devrait être la norme : accueillir les enfants tels qu’ils sont, avec bienveillance, en cherchant à les protéger autant que possible. Tous les enfants. Et même les adultes, qui ne sont finalement que de grands enfants portant des blessures dans des corps de grands…

Tous les enfants que je vois défiler, j’ai bien dit TOUS, ont du talent. Y compris les enfants porteurs de handicap. Certains sont très doués pour le sport, d’autres pour le dessin, alors qu’ils ont de réelles difficultés en math et/ou en français. Certains sont au contraire très scolaires et excellent dans toutes les matières, mais sont parfois déstabilisés parce qu’ils ne sont pas les meilleurs en chant ou en natation.

L’idée c’est de cultiver le domaine dans lequel l’enfant a un don. Mais il faut parfois être persévérant pour trouver ce qui le fait vibrer et lui donne envie. Parce qu’on oublie souvent à quel point la vie est contraignante et qu’on laisse peu (voire pas) de place au plaisir.

Peu importe nos différences. L’essentiel est juste de trouver ce qui nous rend heureux et de l’arroser de tout notre amour, avec beaucoup de bienveillance mais aussi d’indulgence.

À ce propos, j’ai lu un livre à notre Soleil d’une auteur que j’adore et que je vous recommande chaudement, Astrid Desbordes. Le livre s’intitule : « Ce que j’aime vraiment ».

Le message c’est qu’on est tous doué pour quelque chose mais qu’on ne peut pas être doué dans tous les domaines. Il faut juste trouver ce qui nous fait vibrer et qu’on aime vraiment…

La moralité c’est donc que peu importe la norme. On peut tous réussir et être heureux. Même si, parfois, c’est plus long et plus difficile, évidemment…

Mais en étant bien accompagné, tout le monde peut, à terme, s’en sortir à sa façon.

C’est un message d’espoir pour tous ceux qui pourraient douter. De soi, de la vie, de l’avenir.

À la croisée des chemins

D’avance je m’excuse si ce blog prend une tournure centré sur l’enfance plus que sur la parentalité. Mais tout est lié, n’est-ce pas ?

Jeudi, on a eu la chance, avec mes petits, d’assister au relâché d’une tortue qui a été soignée après avoir été pêchée accidentellement.

S’en est suivi une baignade géante dans un lagon translucide et une eau accueillante. Les enfants n’en revenaient pas d’avoir le droit de se baigner. Ils étaient si heureux et insouciants ! Un vrai beau moment de partage qui vient balayer tous les doutes que je peux parfois avoir sur mon métier.

Le petit M., qui vient d’arriver à l’école, restait un peu en retrait. Avant la mise à l’eau, j’ai vu des pansements sur son torse. Sachant que le sel, associé à l’humidité ambiante et à la chaleur, est très nocif, on l’a autorisé à rentrer dans l’eau sans s’immerger complètement.

En fin de journée, c’est le retour à l’école. On est heureux et épuisé.

La cloche sonne et la directrice vient me voir : « On a un problème. Le frère de M. est là. Pas dans un état normal. Il a volé la moto de son tonton pour venir chercher son frère. Le tonton veut porter plainte. On doit attendre. »

Dans ma tête, à ce moment-là, je me dis : « V’là autre chose ! »

On accueille les deux frangins dans ma salle et on commence à discuter.

Ils étaient 12. Tous dispatchés dans différentes familles. Certains chez un oncle, d’autres chez une tante ou la mamie, etc. Il y en a 3 en famille d’accueil.

La maman est partie sans explication. Du jour au lendemain. Le papa n’arrivait pas à gérer les 12…

On questionne E., le grand frère, qui soutient que les blessures que M. a sur le torse ne sont pas dues à une chute en moto, contrairement à ce que soutient l’oncle. Que c’est la première fois qu’il l’emprunte. Parce qu’il s’était endormi et qu’il avait peur d’arriver en retard pour venir chercher son petit frère.

Le gamin, du haut de ses 17 ans, est super touchant. J’ai envie de lui dire qu’il est bien courageux et que ça ne doit pas être facile d’être l’aîné dans une famille éclatée. Qu’il se sent sans doute responsable et que c’est beaucoup de pression. Que ce qu’ils ont vécu est très dur mais qu’ils peuvent s’en sortir. Qu’il faut absolument qu’il aille en cours et qu’il valide son bac pro.

Je lui dis tout ça. Je laisse tomber ma casquette de prof et je lui parle en tant que femme, qui plus est maman…

On est interrompu par l’arrivée des gendarmes. Je suis dépitée. On a bien tenté de dissuader l’oncle mais il n’a rien voulu entendre.

Ce n’est pas la première fois d’après lui. Il a peur qu’il finisse par se tuer et fait ça pour protéger ses neveux.

Les gendarmes nous annoncent qu’ils sont appelés sur un cambriolage. Il est 17h. Ils doivent partir. Sans les garçons. On leur demande ce qu’on en fait, sachant que l’oncle est à l’autre bout de l’île et qu’il n’arrivera pas avant 19h. Ils nous font comprendre qu’on doit se débrouiller. On a l’habitude.

On met un petit coup de pression au tonton en lui disant qu’il nous met dans une posture délicate. Qu’on ne va pas larguer les gamins dans le chemin mais qu’il faut qu’il trouve une solution pour que quelqu’un vienne les chercher.

On remonte avec E., très silencieux. On lui dit qu’il faut qu’il arrête ses conneries, qu’à un moment donné, il va se mettre vraiment en danger et mettre en danger son petit frère. Que leur histoire est difficile mais qu’on a toujours le choix de réécrire la suite.

Je me retrouve seule avec les garçons un moment. Je demande à E., les yeux dans les yeux : « Comment ça se passe chez tonton ? »

Il me dit que ça va mais qu’ils ne peuvent jamais sortir.

« Pourquoi d’après toi ? » Il me répond d’un haussement d’épaules.

Alors je lui parle de moi et de mon Soleil. Je ne sais pas pourquoi. Je lui dis que ma fille a elle aussi été abandonnée par sa maman et qu’on a espéré des années la rencontrer. Et aujourd’hui que je suis sa maman, je ferai tout pour la protéger. Parce que je l’aime. Et que si tonton l’empêche de sortir, c’est peut-être parce qu’il tient à eux et qu’il veut les protéger. Je sens qu’il est touché…

Là je lui explique ma théorie sur la confiance. « Personnellement, je donne facilement ma confiance. Mais si quelqu’un la trahie, il va devoir ramer pour la regagner. » « Ben ouais, c’est normal », me dit-il. Je lui dis donc que peut-être son oncle ne lui fait plus confiance parce qu’il y a eu quelques bêtises mais qu’il peut toujours sortir les rames et regagner la confiance.

Je lui explique alors ce que je dis souvent à mes petits : « Dans la vie, on a toujours le choix. On se retrouve parfois à un carrefour. Soit on prend un chemin qui nous mènera dans des galères pas possibles. Soit on prend le chemin qui va nous permettre de nous en sortir. La bonne nouvelle, c’est qu’il est toujours temps de faire demi-tour quand on voit qu’on s’est planté de chemin… »

Sur ces bonnes paroles, la directrice arrive, épuisée. Parce qu’à côté de tout ça, on a une vie perso et que chez elle, elle est particulièrement agitée en ce moment. On est humain avant d’être professionnel, n’en déplaise parfois à certains parents ou à la hiérarchie.

Elle annonce que E. est dans la merde. Le tonton a trouvé une solution pour le petit mais refuse de reprendre le grand. Il demande qu’on le remette dans la rue. Sauf qu’il en est hors de question. Il est mineur. Et terriblement touchant.

On le questionne sur son enfance. Papa qui boit un peu quand il fait la fête. Il se trouve qu’il fait constamment la fête… Maman qui a eu 12 enfants en 14 ans, pas forcément désirés, on s’en doute. « Il y avait de la violence chez toi ? » Sa réponse m’a bouleversée : « Parfois, comme dans tous les couples ! » Là on lui dit que non, dans tous les couples on ne se tape pas dessus. Que dans les nôtres il peut y avoir des disputes mais jamais des coups. Que si pour lui c’est la norme, alors il risque de reproduire. Alors que non, bordel, ce n’est pas ça la norme !

On finit par lui dire qu’il est encore temps de changer et je lui demande ce dont il aurait besoin. « Rien! » « Alors comment on peut t’aider ? »

Sa réponse a fait un trou béant dans mon cœur de fille et de mère…

« Vous ne pouvez pas m’aider. Personne ne peut me donner ce que je veux. »

« Dis toujours… »

« Je veux voir maman… »

Larmes aux yeux. On ne joue pas. Et tant pis s’il voit qu’on est toutes bouleversées. Ça lui montre au moins qu’on est humaines.

Là dessus, un tonton arrive. Il est dépité. Il nous dit qu’évidemment il ne va pas laisser son neveu mineur dans la rue. Qu’ils vont trouver une solution.

On lui explique que c’est un bon marmaille. Qu’il est juste profondément malheureux. Qu’il veut revoir sa mère et que c’est des appels au secours qu’il lance désespérément. Qu’il faut les entendre.

Avant que E. se lève, les yeux dans les yeux, je le conjure de faire les bons choix pour lui.

En s’éloignant derrière son tonton, il a levé la tête et nous a regardées. Je lui ai dit de revenir s’il voulait. Et de repenser à cette histoire de chemin…

En direction de ma salle, trois profs marchaient les yeux tout humides en se disant que décidément, on avait raté notre vocation d’assistantes sociales. Et que bordel, c’est dur tout ça !

Chacune, en rentrant chez nous, avec l’image de ces deux garçons gravés à jamais, on a eu besoin de boire un coup. S’enivrer pour moins penser. Parce qu’il est de ces journées où c’est vraiment dur…

Le lendemain, la directrice a appelé le tonton et les services sociaux. Comble de l’horreur, on a appris que M. et E. ont croisé leur mère l’an dernier. J’en étais venue à me dire que le père l’avait peut-être tuée, tant c’était impensable qu’on abandonne ses 12 enfants du jour au lendemain. Le dernier avait tout juste 1 an…

Pourtant, je comprends cette femme… Et je ne la juge pas…

Ils l’ont revu à l’enterrement de leurs cousins. L’histoire avait défrayé la chronique ici. Triple infanticide. Un mari qui ne supporte pas que sa femme le quitte et qui, par vengeance, tue 3 enfants sur les 4, l’aînée ayant réussi à prendre la fuite…

Les enfants étaient apparemment assez proches de leurs cousins…

On se croirait dans un mauvais film, et pourtant c’est bien réel. Et nous, on est les spectateurs silencieux de tout ça. On voudrait les aider et faire tellement tellement plus. Mais on ne peut pas les sauver et il faut accepter ça.

La grande Julys a serré très fort la petite Julys dans ses bras hier… Parce que tout ça fait forcément écho à la petite fille qui n’a pas toujours été protégée non plus… C’est sans doute ce qui fait écho en chacun d’entre nous et ce qui nous donne envie de hurler notre colère, notre tristesse et notre sentiment d’injustice.

On continuera d’être là pour le petit M., et je rêve secrètement de pouvoir recroiser le chemin de E. En espérant qu’il ait pris la meilleure direction pour lui…

Être né du bon côté…

On s’était quitté avec mes doutes liés à la séparation de notre Soleil de sa nounou, avec qui elle avait développé une chouette relation, quand j’ai repris le travail après mon congé d’adoption.

J’avais peur que cette énième séparation ne vienne perturber son équilibre. Et j’ai réalisé que c’était finalement mes propres craintes que je projetais sur elle…

J’ai pris le temps de lui expliquer. De lui raconter l’histoire d’une nounou qui s’en va pour rendre heureux d’autres enfants. Parce que le bonheur, ça se partage… Et que malgré la séparation, l’enfant qui reste va faire de nouvelles rencontres qui vont aussi lui apporter beaucoup de bonheur…

Quand on adopte un enfant, il faut être extrêmement vigilant. Ne pas nier la spécificité de son parcours de vie mais ne pas non plus tomber dans le travers de toujours tout vouloir expliquer à la lumière de cette histoire singulière.

J’en ai la certitude : notre Soleil est résiliente ! Et c’est une grande force qui lui permettra sans doute de déplacer des montagnes.

J’aime à penser positivement le choix de sa maman de ventre. Elle lui a fait un magnifique cadeau en reconnaissant ses limites et en décidant de lui offrir la chance d’avoir une meilleure vie.

Combien d’enfants maltraités je vois défiler tous les jours sous mon regard parfois impuissant ?

Il y a G., l’an dernier, qui m’a confié avoir subi des attouchements quand il était petit. Il y a K. qui est arrivé à l’école couvert de brûlures. Il y a E., qu’on traite de fou dans sa famille depuis toujours, et qui s’est tellement persuadé qu’il l’était qu’il se comporte comme tel. Il y a J., qui se prend régulièrement des coups de ceinture. Il y a D., enfant placé, qui se fait une joie de voir sa mère et qui en parle pendant des jours. Jusqu’à la veille de la rencontre, où il apprend sans ménagement qu’elle ne viendra pas parce qu’elle a des courses à faire. Il y a J., enfant né avec un SAF (Syndrome d’Alcoolémie Fœtale), dont la maman ne voulait plus. Qui a été confié au papa, qui n’en voulait plus. Qui a été confié à la mamie, qui n’en voulait plus. Qui survit actuellement en foyer, du haut de ses 6 ans. Il y a A., qui a vu sa mère se faire frapper par son père quand il avait 3 ans. Il y a W., placé depuis ses 22 jours. 4ème d’une fratrie qui va bientôt s’agrandir, alors que tous les enfants déjà nés sont placés à l’heure actuelle.

Cette liste terrifiante n’est pas exhaustive…

Alors oui, je remercie chaque jour la maman de ventre de notre fille de lui avoir offert la chance d’être heureuse. Et de nous avoir offert le cadeau le plus précieux qu’on pouvait espérer.

Le seul pincement au cœur que j’ai, c’est quand je l’imagine désespérément seule dans son lit glacial, à la maternité, en attendant que sa famille d’accueil ne vienne la chercher, à son deuxième jour de vie. Pendant deux jours, elle sera restée seule, dans une pièce vide, attendant patiemment l’heure du biberon pour avoir de la compagnie…

Mais très vite je me rassure en me disant qu’aujourd’hui et aussi longtemps que possible, on est à ses côtés pour l’accompagner au mieux sur son chemin. Contrairement à tant d’enfants qui, bien que dans leur famille, vivent de cruels moments de solitude ou de violence…

Je suis parfois en colère, me demandant pourquoi, dans ce pays, on priorise systématiquement les liens du sang aux dépends, parfois, de la santé physique et psychologique des enfants ? Pourquoi priorise-t-on à tous prix la seule volonté des adultes, aussi dysfonctionnants soient-ils ?

Je ne peux m’empêcher de penser que malgré l’abandon, notre Soleil est vraiment née du bon côté… Et je n’en n’ai que plus de reconnaissance et de gratitude chaque jour qui passe.

Les vœux…

Cette année est une année différente. Les festivités ont un goût différent. Moins amer sans doute…

J’ai tellement pensé à ceux et celles pour qui les interminables fêtes de famille riment avec vide, solitude et absence de l’être attendu ou inattendu, espéré ou inespéré.

Durant 6 années consécutives, on a connu ces Noël éprouvants, de plus en plus au fil du temps. Ce qui, à l’époque, m’avait donné l’idée de l’envolée de cartes de vœux.

Il y a 2 ans, les fêtes de fin d’année ont subitement changé de saveur. Le 8 décembre 2017, notre fille arrivait dans notre maison jaune. Tous, dans notre entourage, nous répétaient d’une même voix, sans se concerter, que c’était le plus beau cadeau de Noël que nous pouvions espérer. Sauf qu’avec le recul, à l’arrivée de notre Soleil, nous avons été en état de sidération. Sidération qui a duré un peu plus d’un an.

Tout est allé si vite. Nous sommes devenus parents, du jour au lendemain. En 4 petits jours, après des années d’attente ! Alors oui, on s’est aimé très fort instantanément mais il a fallu du temps pour réaliser que c’était pour toujours et qu’on ne nous reprendrait plus ce cadeau. Qu’il était garantie à vie, classé dans les cadeaux incassables et inclassables.

L’an dernier, en décembre, notre Soleil a eu une période de décharge émotionnelle assez intense. Courte, mais intense. Je crois que c’est à ce moment-là qu’elle, comme nous, nous avons réalisé le bonheur qui avait frappé à nos portes. Et on a été submergé !

À tel point que j’en suis tombée à la renverse, le Soleil dans mes bras, me faisant un tassement vertébral et une vilaine plaie au pied qui a eu du mal à cicatriser… Heureusement, en bonne maman, j’ai réussi à la protéger sans qu’elle n’ait la moindre égratignure.

Cette année aura donc été le premier vrai Noël. Celui où on peut enfin savourer et réaliser pleinement notre bonheur. Celui, aussi, où notre Soleil commence à s’émerveiller de la magie de Noël…

Je souhaite à chacun et chacune d’entre vous d’être entouré d’amour, de vivre des petits et grands bonheurs qui se cachent parfois dans la simplicité de chaque instant, des projets qui vous donneront envie de vous investir, du temps pour profiter de la vie et une santé en béton pour savourer le tout.

Et sinon, l’adoption, c’est comment ?

Vendredi, nous avons célébré dans nos cœurs l’anniversaire de l’appel magique qui a fait de nous des parents et d’Elle notre enfant… Et aujourd’hui, c’est l’anniversaire de notre rencontre… ❤️

Durant tout notre parcours, il y a eu deux phases bien distinctes.

La première qui correspond à l’attente active, durant laquelle on s’est laissé totalement porté. D’un côté, en participant à l’enquête sociale avec plaisir. Il faut dire qu’on a eu la chance d’être merveilleusement accompagnés par Mme Bienveillance durant tout notre cheminement pour définir notre projet de parentalité.

Parallèlement, cette période était marquée par les examens médicaux, les traitements, les FIV… Avec le recul, je me demande souvent pourquoi je me suis infligée tout « ça ». J’aurais l’occasion d’y revenir dans un prochain post…

La fin de notre parcours pmesque, soldé par un cuisant échec, a alors laissé place au vide. Qu’on a tenté de remplir en commençant à faire symboliquement une place à notre enfant attendu, comme pour lui dire : « Ok, c’est plus long que prévu mais on ne lâchera rien ! »

Une fois la chambre installée et la décoration sobre posée, on est rentré dans la période la plus difficile : l’attente passive.

Qu’il a fallu combler tant bien que mal… J’en profite pour saluer mon double québécois qui me lit et pour lui dire que sa visite avec sa petite famille à ce moment de notre vie, qui commençait à laisser place au doute et au désespoir, aura été une vraie bouffée d’oxygène !

On a été à deux doigts de tout lâcher. J’étais arrivée au stade où j’envisageais de changer de vie. Tout plaquer : chats, mari, maison, boulot… Juste tout recommencer… Ailleurs… Mais je me raccrochais à cette phrase que je me suis si souvent répété durant toutes ces années de galère : « Ce n’est pas parce qu’on change le cadre que le tableau devient beau… »

Du coup, c’est durant cette période très inconfortable de vide et de doute que j’ai commencé à lire et regarder des reportages sur le thème de l’adoption.

Je me souviens avoir eu ce sentiment que l’adoption était finalement peu traitée dans la littérature (que ce soit la littérature spécialisée ou jeunesse), à tel point qu’un simple livre d’adoption était introuvable. Pour des dizaines de livres de naissance tout mignons, on ne trouvait que un ou deux livres d’adoption un peu kitsch…

Tout ça pour dire que j’ai rassemblé pour ceux qui s’intéressent à la thématique de l’adoption des reportages/film/livre que j’ai beaucoup aimé sur le sujet.

C’est évidemment loin d’être exhaustif mais ce sont quelques pistes pour ceux qui se lancent dans ce projet ou ceux qui les accompagnent. Ou encore pour les professionnels qui travaillent avec des enfants adoptés. Ou tout simplement pour ceux qui sont touchés par les histoires de ces familles extra-ordinaires et qui sont curieux d’en savoir un peu plus.

  • Film :

Pupille ❤️❤️

Mon avis :
Film bouleversant qui est assez fidèle, dans certains détails, à la réalité des ressentis et des relations qui se mettent en place autour de l’enfant. Bon, après, c’est légèrement romancé puisqu’à l’heure actuelle en France, les mères célibataires ne sont pas prioritaires par rapport aux couples hétéro. Il y a des cases et il faut avoir la chance de cocher toutes les bonnes pour faire partie des élus…

  • Reportages :

1. Il était une fois notre histoire ❤️❤️

Mon avis :
Documentaire réalisé en partenariat avec l’AFA (Agence Française de l’Adoption). Des professionnels partagent leur expertise et adressent des conseils avisés aux futures familles adoptives. Ces conseils sont illustrés par le témoignage de parents qui évoquent la construction de leur famille.

J’ai beaucoup aimé le côté pédagogique du reportage et le fait qu’il aborde les trois thèmes suivants :

– l’adoption de fratrie

– l’adoption d’enfants grands

– l’adoption d’enfants à besoin spécifique

2. Adoption : je t’aime, moi non plus : ❤️❤️

Mon avis :
Quand j’ai commencé à regarder ce reportage, je me suis dit : « Encore des histoires d’adoption qui se passent mal ! Pourquoi les médias ne parlent jamais des histoires heureuses? » J’ai eu quelques réticences du coup… Mais il faut avouer que les échanges entre les enfants et leurs parents sont parfois très poignants et qu’ils sont criants d’authenticité. J’ai versé quelques larmes en écoutant certains témoignages qui montrent, tant du point de vue de l’enfant que du parent, toute la complexité de l’attachement qui se fait rapidement ou pas.

3. Roman d’une adoption : ❤️❤️❤️

Mon avis :
Gros coup de cœur pour ces histoires croisées qui montrent à quel point cette aventure peut être un véritable parcours du combattant, particulièrement quand on ne rentre pas dans les fameuses cases évoquées plus haut… J’ai versé des litres de larmes devant l’histoire de Philippe et François, couple homosexuel qui se bat pour défendre son droit à la parentalité avec un amour profond et sincère. Et je nous ai tellement retrouvés dans l’histoire de Céline et Cédric, que j’ai souvent été bouleversée. Ces deux couples ont été suivis 4 années, du début du parcours à son issue. À voir absolument !

4. Dans les yeux d’Olivier – Adoption : une aventure à risque ❤️❤️

Mon avis :
Profondément touchée par ce documentaire qui retrace le parcours adoptif de 4 familles atypiques :

– Une mère célibataire qui adopte une petite fille avec un passé qui laisse des traces…

– Une famille qui adopte par choix des enfants porteurs de trisomie.

– Une femme qui prend sous son aile le fils de sa sœur décédée.

– Un couple qui adopte deux frères en Amérique du Sud, avec les conséquences que peut parfois avoir l’adoption d’une fratrie.

  • Radio :

Abandonner et recevoir : la question de l’adoption

Mon avis :
Émission que je n’ai pas pu écouter en entier mais qui illustre bien le parcours de ces familles en construction.

  • Littérature :

« La normalité adoptive », de Johanne Lemieux ❤️❤️❤️

Si on ne devait en retenir qu’un, ce serait ce livre. Il permet aux familles et aux professionnels de comprendre véritablement les spécificités de l’adoption et les conséquences de l’abandon dans les relations d’attachement que l’enfant va nouer avec son entourage. Ce livre, en trois tomes, est une mine d’informations et donne des outils pratiques à mettre en place avec l’enfant. À lire absolument !

L’adoption et la séparation

Combien de fois j’ai pensé venir ici, sur cet espace qui a été un vrai refuge durant de longs mois ! Mais je crois que comme bon nombre d’anciennes pmettes devenues mamans, j’ai souffert et je souffre du syndrome de l’imposteur…

Je n’ai pas envie de crier mon bonheur. Sans doute par pudeur. Je mesure chaque seconde de ma vie l’immense chance qu’on a eu de recevoir, ce 29 novembre 2017, cet appel qu’on n’attendait plus. Bientôt 2 ans : c’est fou comme le temps défile !

Depuis l’arrivée de notre puce, nous sommes comblés. Elle a toujours été un bébé facile, nous donnant parfois cette impression de tout faire pour être aimée, quitte à s’oublier…

Aux yeux de tous, c’était le bébé idéal, qu’on voudrait pouvoir commander sur catalogue. Sauf que mon intuition me laissait penser que, peut-être, ce qui était bien pour nous ne l’était pas forcément pour elle…

Je me revois lui expliquer tant de fois qu’elle n’était pas obligée d’être parfaite et qu’on l’aimerait toujours pour ce qu’elle serait.

Et, en décembre dernier, il y a eu cette période de grandes décharges émotionnelles. Du jour au lendemain, elle s’est mise à ne plus dormir. Il fallait qu’on soit collé à elle et dès qu’on bougeait un cil, elle sursautait en hurlant, comme si on l’abandonnait une seconde fois… Ou plutôt une troisième fois, puisqu’on ne peut nier le traumatisme de la séparation avec la famille d’accueil, même si elle n’a jamais montré, à son arrivée, le moindre signe de traumatisme. Puis elle a eu une phase, au contraire, de rejet : on ne pouvait plus la calmer en la serrant fort dans nos bras : elle nous repoussait avec une grande violence…

Je sais, dans mon for intérieur, qu’avant cette « explosion », elle se niait complètement. Pour ne pas nous décevoir et s’assurer qu’on l’aime. Or, un bébé, par définition, ça pleure, ça chouine, ça hurle même parfois. Pas elle. Même malade, elle ne disait jamais rien. Beaucoup nous enviaient, là où je savais que ce n’était pas forcément positif, même si c’était franchement confortable, soyons clair !

Donc en décembre dernier, sans doute assurée de notre attachement réciproque, elle a eu une période de crise. Comme si elle s’autorisait enfin à extérioriser ce qu’elle avait trop longtemps étouffé. Je pouvais lire une telle détresse sur son visage… C’était un véritable crèvecoeur…

L’élément déclencheur a sans doute été les vacances et la séparation, temporaire, avec sa nounou.

J’ai compris que pour elle, les liens d’attachement étaient très forts et qu’elle était très insécure en cas de changement.

Malheureusement, on vient d’apprendre que sa nounou quitte le caillou fin janvier. Je suis si triste pour elle… Je l’imaginais conserver ce lien pendant quelques années mais elle va devoir encore une fois, si jeune, être confrontée à une énième séparation.

Mon cœur de maman est inquiet. Pourtant, elle est si résiliente. Hier, quand je suis rentrée du travail, elle m’attendait assise sur les escaliers extérieurs avec son père. Cette image m’a fait fondre de bonheur.

Je me suis assise à leurs côtés, regardant la mer face à nous et elle a rompu le silence en affirmant :

« – M. va partir. »

On lui a toujours beaucoup parlé. Est-ce cela qui explique qu’elle parle comme un livre ouvert depuis déjà des mois ? En tout cas c’est une vraie chance, pour nous comme pour elle, qu’elle arrive à exprimer ses besoins et ses ressentis si jeune.

Regards inquiets échangés avec son papa… Je lui dis :

« – Oui, tu as raison, elle va partir. Mais pas tout de suite. Tu as encore beaucoup de jours pour profiter d’elle et de tes copines ! »

Je lui demande alors si elle est triste et elle acquiesce en faisant un bruit avec sa bouche du style « Mmmm mmmm ».

On lui a alors demandé si elle savait où elle irait quand sa nounou partirait. Elle a de suite donné le nom de sa nounou de remplacement (3 mois par an, l’actuelle nounou s’asbentait et on était obligé de prendre une autre nounou temporairement).

J’ai été rassurée de voir que tout avait l’air ok pour elle.

Nos enfants adoptés ont tellement besoin qu’on leur parle, qu’on les rassure, qu’on les aime et qu’on les prépare aux changements. Peut-être que je ne peux pas faire du cas particulier de ma fille une généralité, mais ça paraît pourtant tellement normal après un parcours de vie aussi chaotique ponctué de nombreuses séparations, et donc de deuils…

Quand je l’imagine seule dans son couffin à la maternité, entourée de personnel médical, mon cœur se serre.

Quand je l’imagine quitter cet environnement et ce personnel à seulement 4 jours pour aller à l’autre bout du caillou chez de nouveaux inconnus, mon cœur se serre.

Quand je l’imagine, après plus de 3 mois, être emmenée chez les inconnus que nous étions alors, mon cœur se serre et, à la fois, se remplit d’amour.

Après, je me pose mille questions sur ses ressentis. Est-ce que je ne projette pas sur elle mes propres ressentis ? Est-ce que ce n’est pas risqué de donner trop de place à l’adoption en cherchant à tout expliquer par son histoire ?

Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, c’est une petite fille de plus en plus affirmée qui sait ce qu’elle veut et qui n’hésite pas à l’exprimer… Et ça, c’est déjà une belle victoire ! Non pas qu’en grande maso je rêvais du bébé « imparfait ». Mais c’est juste plus sain.

Des pensées…

Je ne suis plus très présente. Bon, plus du tout serait plus honnête. Pourtant, vous êtes présents dans mes pensées si souvent.

Cette blogo a été une vraie bulle d’oxygène quand on avait l’impression de couler… Elle permettait de ne pas se laisser envahir par le sentiment de solitude. Ensemble, on était tellement plus fort(e)s !!

J’ai souvent l’impression d’avoir abandonné lâchement le navire qui des années m’a permis de rester à flots.

L’arrivée de notre puce a été si soudaine que ça a été un véritable tsunami émotionnel. Mes journées étaient déjà bien remplies avant Elle, elles le sont d’autant plus aujourd’hui.

On a mis du temps à faire imprimer nos faire-parts et, au final, le rythme de nos vies nous dépassant totalement, nous en avons laissé un certain nombre dans une boîte en carton, oubliant de les envoyer… Ils sont toujours là, mais je n’ose plus les faire partir, évidemment…

Les premiers mois ont été bouleversants. J’étais si heureuse de découvrir notre fille et, à la fois, j’avais parfois du mal à prendre mes marques dans cette nouvelle vie.

Je crois que ce qui m’envahissait le plus, c’était ce sentiment de ne plus du tout avoir du temps pour moi… J’en avais pour ma fille, pour mon boulot, pour mon association, pour mon mari… Mais je me disais souvent: « Et moi dans tout ça ? » Avec un immense sentiment de culpabilité, puisque j’aurais tout simplement dû savourer ma nouvelle condition de maman.

« Tu as attendu 6 ans et demi, alors maintenant, profite et tais-toi !! », me soufflait une petite voix intérieure.

Il n’empêche que j’ai décidé de consulter une psychologue qui m’accompagne à devenir la femme, la mère, l’enseignante, l’épouse, etc que je suis.

Notre fille est un rayon de soleil. Elle va déjà sur ses 14 mois et progresse de jour en jour. La voir grandir et s’épanouir est un vrai bonheur.

Comme Mouchette, nous avons enfin reçu notre convocation au tribunal. Mais nous nous préparons à passer un moment pas très agréable.

Il faut savoir que cette partie purement administrative peut être difficile à vivre. Nous avons très bien vécu tout notre parcours, entourés uniquement par des personnes bienveillantes, mais cette étape n’est pas si simple.

Il y a eu ce dossier à remplir pour déposer au tribunal. La demande d’adoption plénière, dans laquelle on devait cocher une case qui stipulait qu’on n’avait pas d’enfant. WTF ?! J’ai bugué au moment de cocher. Parce que oui, on avait un enfant. Qui gazouillait et riait depuis des mois dans notre maison jaune.

Il a fallu également réécrire un pamphlet sur nos « motivations ». Oui oui !! Notre bébé était dans nos vies depuis 6 mois qu’on devait exprimer en quelques lignes les raisons qui motivaient notre envie de toujours La garder près de nous, en devenant officiellement ses parents…

Le côté officiel de l’adoption est dérangeant. Est-ce que cela signifie qu’avant le jugement, comme le stipule l’état civil de l’enfant, nous ne sommes que des parents « officieux »?

Nous savons que le passage au tribunal risque fort d’être très impersonnel et purement administratif. On risque de nous redemander pour une énième fois de justifier notre souhait d’adopter… Nous nous y préparons. J’espère rester calme, souriante et détendue. Mais d’avance, j’appréhende…

Que faudra-t-il pour être considérée comme la maman de mon enfant ? Enfant dont je prends le plus grand soin depuis bientôt un an ? Un simple papier signé par un juge fera donc de nous ses parents ?

Nous sommes ses parents depuis toujours. Nous étions destinés à Elle. Et inversement. Nous sommes persuadés que c’était Elle et pas une autre qui nous attendait. Tout ce parcours pour arriver jusqu’à Elle a pris sens le jour où la sonnerie du téléphone a résonné sur le caillou.

Nous ne nous laisserons pas déposséder de notre parentalité, tout administrative que soit cette étape.

En conclusion, je partage avec vous ce texte où tout est dit…:

Devenir mère…

Des années d’attente active, à enchaîner les essais pmesques, suivi d’une attente passive lors du processus d’adoption, nous ont obligé à combler un vide devenu au fil du temps trop envahissant.

Chéri travaillant beaucoup, je me suis réfugiée à l’époque dans la protection de ceux qui n’ont pas de voix. Parce que, sans doute, au-delà du combat qui est noble, m’occuper des animaux maltraités me permettait de me sentir utile. Vivante puisque utile.

Les boules de poils ont toujours été un refuge pour la petite fille que j’étais. Je me souviens ces nombreuses fois où j’allais me réfugier contre ma vieille chienne pour lui conter tous mes malheurs d’enfant. Elle ne cherchait pas à me consoler, avec le risque d’être maladroite, si ce n’est à coup de léchouilles ! Elle se contentait d’accueillir mes maux et d’être là…

Et toutes ces fois où, face aux épreuves auxquelles la célèbre Lassie était confrontée, je partais dans des sanglots incontrôlables !!

Mes premiers pas, je les dois à une chienne bien plus grande que moi, sur laquelle je prenais appui durant des vacances estivales…

Bref, Chéri, se sentant sans doute, à son tour, délaissé par mes nouvelles activités, s’est réfugié quant à lui dans le sport extrême. Et c’est sans nous en rendre compte que nous avons comblé le vide, chacun de notre côté, mais plus vraiment ensemble…

Aujourd’hui, notre princesse est venue remplir ce vide de la plus belle des façons.

Les présentations à nos familles ont été touchantes. Mon père, ce vieil homme hermétique, devenu quasi mutique au fil du temps, est méconnaissable. La maison de mon enfance vibre au rythme des « ma puce » par ci, « ma puce » par là.

Bon, il a fallu que je me fâche en menaçant de prendre mes jambes à mon cou pour qu’il arrête de donner son avis de Dr ès puériculture toutes les 30 secondes. En plus des remarques négatives incessantes sur tout ce qu’on fait ou ne fait pas. Je n’ai plus 15 ans boréal !!

En tout cas, aux yeux de tous, notre chérie est jolie comme un cœur, drôle, calme… Bref, elle a conquis tous les coeurs, même les plus cadenassés… C’est fou, l’effet d’un bébé !!

Alors, pour Elle, nous allons devoir apprendre à nous retrouver, Chéri et moi. À construire cette famille si longtemps attendu, sans continuer de fuir notre réalité, enfin devenue tellement sublime depuis ce jour de novembre dernier.

La fuite a été notre mode de survie à un moment où nous n’avions pas d’autres alternatives, si ce n’est celle de sombrer.

Aujourd’hui, nous devons couper avec ce mode de fonctionnement. Nous n’avons plus besoin de combler le manque, qui a laissé place désormais aux gazouillis, aux sourires et à une immense vague d’amour.

Je crois qu’il faut être extrêmement vigilant, quand l’infertilité et l’attente de l’enfant prend beaucoup de place, de ne pas trop s’éloigner de son conjoint, en fuyant une réalité qui peut devenir insupportable. De la même façon, une fois l’enfant arrivé, il paraît essentiel de ne pas lui faire porter la responsabilité de combler à lui seul le manque. Ce serait lui imposer une pression que j’ai moi-même trop subi enfant.

Je me souviens de toutes ces fois, avant que ma mère ne commette l’irréparable, où elle nous disait que nous étions sa seule raison de vivre. Que c’est dur de porter cette responsabilité ! Comme si le bonheur des parents ne dépendait que de l’enfant que nous sommes. Est-ce que si le parent n’est pas heureux, c’est que nous ne sommes pas un bon enfant ? C’est en tout cas sans doute les questions que la petite fille que j’étais alors se posait…

Notre fille ne sera jamais notre médicament. Elle sera la cerise sur le gâteau. Cet immense bonus qui vient embellir nos vies. Mais jamais elle n’aura pour mission de conditionner notre bonheur.

C’est une promesse que je me suis faite à 17 ans, à la mort de ma mère. Elle qui avait choisi de mourir obligeait alors par sa décision la jeune fille que j’étais à aller consulter une psy pour ne jamais reproduire les mêmes erreurs avec ma future progéniture.

Toutes ces pensées un peu confuses pour dire que devenir mère, c’est se reconnecter avec l’enfant qu’on a été. À la différence qu’on pose sur cet enfant un regard d’adulte et qu’on sait ce qu’on veut ou ce qu’on ne veut pas pour l’enfant dont on est devenu nous-mêmes parents.

J’ai accepté depuis ma première thérapie, à 17 ans, de ne pas être une maman parfaite. Je ne veux pas faire les mêmes erreurs que mes parents, mais je ne me leurre pas : j’en ferai d’autres !

L’essentiel, pour moi, est de toujours être dans la vérité avec notre fille. Et de lui dire chaque jour à quel point je l’aime. Lui donner le plus précieux, ce que je n’ai pas reçu à l’époque : la confiance. En la vie, en elle, aux autres…

Les autres…

De l’avis de tous, notre fille est magnifique et très calme.

Aux amis qui galèrent depuis des mois avec leur fils, qui les réveillent toujours toutes les deux heures à presque 9 mois, et qui nous disent : « C’est pas juste… », j’avoue qu’après avoir compatis avec eux, je réponds souvent qu’en même temps, on a largement galéré avant qu’elle n’arrive dans nos vies et que les chefs d’oeuvre mettent souvent du temps pour être conçus. Je compatis réellement avec eux, mais c’est si étrange qu’aujourd’hui on soit ce couple qui suscite des jalousies, ou plutôt de l’envie…

Pour arriver jusqu’à Elle ce fut un long parcours du combattant. Alors on savoure juste, sans la moindre envie de culpabiliser d’avoir un bébé parfaitement parfait.

Niveau ressemblance, le dernier post de Mouchette m’a fait marrer. La plupart des gens qui me voient seule me regardent d’un air interrogateur. Avant de faire des grands gouzi gouzi à ma puce.

Hier, tandis que j’achetais du tissus pour confectionner une couverture pour mon bébé, la vendeuse m’a demandé : « Le papa est coloré ? » N’y voyez absolument rien de raciste hein !! Elle-même était métissée.

Jusqu’à présent, quand la boulangère me disait que notre fille avait une ressemblance avec son papa plus qu’avec moi, je ne répondais rien. Je me contentais de sourire niaisement d’un air gêné.

Mais hier, droite dans mes bottes, j’ai dit fièrement à cette vendeuse qu’on a adopté notre fille, anticipant sur THE question que les gens se posent systématiquement : « Elle est née ici, sur le caillou. »

C’est marrant comme les autres n’imaginent pas une seconde qu’on puisse adopter en local… Pour le commun des mortels, l’adoption passe nécessairement par l’international.

A chaque fois, les réactions sont remplies de surprise, d’étonnement mais aussi presque de fierté. Oui, les gens semblent fiers que nous soyons parents d’une petite fille d’ici.

Quand on sort en famille, plus de doute possible. La plupart des personnes qu’on croise doivent se poser des questions mais très peu osent les exprimer.

De notre côté, nous n’avons aucune difficulté à aborder le sujet tant c’est naturel pour nous. On ne le revendique pas mais on ne s’en cache pas.

Certains font des galipettes, d’autres passent par la case piquouzes, et certains passent par la case livraison express en « prêt à câliner ».

Je ne vois pas de différence notable dans la façon d’être parent jusqu’à présent.

La seule différence, c’est qu’on est très détendu et qu’on n’a pas vraiment de peur. Elle est là et rien ne pourra plus nous arriver. C’est ce à quoi je me raccroche très fort.

Après, la différence majeure est qu’on est suivi par Mme Bienveillance. De loin… Elle est venue deux fois depuis son arrivée mais franchement, c’était juste l’occasion de se retrouver en papotant.

Elle devrait rendre son rapport prochainement. Et nous pourrons alors entamer la procédure auprès du tribunal pour l’adoption plénière.

Comme Mouchette, on espère que notre fille portera officiellement notre nom d’ici décembre prochain.

Jusqu’à présent, ses papiers d’identité provisoires sont à ses noms de naissances, ou plutôt trois prénoms.

Lorsqu’on va chez un médecin ou à la pharmacie, elle n’est donc pas encore officiellement à notre nom. Pour le coup, on aurait pu la rattacher à notre carte vitale mais en tant que pupille, elle bénéficie de la CMU jusqu’au mois de ses un an.

Prochainement, on a prévu de venir en métropole pour la présenter à notre famille et nos amis. On a dû faire une demande écrite au tuteur et lui faire faire son tout premier passeport. Qui sera donc à ses prénoms de naissance.

Jusqu’à l’adoption plénière, tout doit passer par le conseil général. On a mis longtemps à obtenir ses premiers actes de naissance du coup. Et le passeport n’est toujours pas fait parce qu’on a dû envoyer le timbre fiscal et les photos au service qui fera faire le passeport pour nous.

Bref, ce ne sont que des détails.

Mais le jour où on recevra le jugement de l’adoption plénière, si ça ne changera absolument rien sur notre ressenti, ce sera une sacrée étape symbolique de franchi !!

La fameuse annonce…

Je venais de raccrocher, encore submergée d’émotions à l’idée d’imaginer que ce jour marquait le début de notre parentalité.

Je n’arrêtais pas de relire les quelques informations succinctes notées sur le premier morceau de papier que j’avais sous la main. Je répétais ces trois prénoms magnifiques que d’autres avant nous avaient choisi pour notre fille. C’est ce qui la rendait réelle, ces prénoms. Ce qui la faisait exister aux yeux de la société. Son identité, même provisoire.

Évidemment mes premières pensées se sont tournées vers celui qui a traversé toutes ces années de galère à mes côtés. Celui qui, au même titre que cet appel faisait de moi une maman, devenait en quelques secondes papa. Le père de mon enfant…

J’avais imaginé tant de scénarii durant ces années d’attente…

Avant la PMA, quand on pensait encore naïvement que ce n’était qu’une question de mois, je m’étais imaginée comme beaucoup acheter des petits chaussons de naissance que j’aurais caché sous le lit, en trouvant un prétexte ridicule pour qu’il se penche et découvre la surprise. J’étais alors toute excitée quand j’imaginais sa réaction !!

La PMA s’est ensuite invitée dans notre vie et les échecs se sont succédés. Très vite, j’ai abandonné le premier scénario en me disant que un test de grossesse positif ferait très bien l’affaire. Oui, j’avais quelque peu remisé le romantisme au placard… Ensuite, je me serai contentée d’un taux bhcg positif à lui présenter. A 3 chiffres, sans vouloir faire ma difficile…

Ce fut le cas suite à FIV 1. Mais c’était un taux ridiculement bas, à 2 chiffres. Et cette annonce avait été difficile parce que j’avais dû calmer les ardeurs de Chéri en lui expliquant que ce n’était pas gagné… Qu’on devait rester prudent vu le petit taux… La suite a été une suspicion de GEU pour laquelle j’ai dû subir une injection de methotrexate qui mettait violemment fin à tous nos espoirs, aussi infimes furent-ils…

Je crois que je ne me suis plus autorisée à me projeter sur une annonce suite à cet échec et tous ceux qui ont suivi.

Aussi, quand j’ai raccroché le combiné ce mercredi 29 novembre 2017, j’étais prise entre l’envie de lui faire une magnifique surprise et le besoin irrépressible de lui annoncer de suite, sans chichis ni fioritures. Juste parce que cet appel mettait fin à 6 ans et demi d’attente et que je n’avais qu’une envie, l’appeler de suite et sans tarder.

Je n’ai donc pas réfléchi à comment j’allais lui annoncer que ce jour verrait sa vie basculer.

J’étais submergée d’émotions et j’espérais tant qu’il décroche !! Sachant que quand il est au travail, ce n’est jamais gagné…

Par chance, il a décroché !!

Je me souviens lui avoir dit, la voix tremblante: « Chéri ? Tu es assis ? »

Ne comprenant pas, il m’a demandé de répéter. Plusieurs fois, les seuls mots qui sont sortis de ma bouche, chevrotants, sont : « T’es assis ? » Pour le romantisme on repassera…

Puis il a compris… Sans que je n’ai rien besoin de rajouter. Ses premiers mots ont été : « Non ??? Ça y est ? » Quand je vous le dis que pour le romantisme on repassera…

Et là on a pleuré ensemble et à distance… Des larmes contenues et discrètes mais qui étaient tellement parlantes…

J’ai dû lui dire en substance que le conseil général venait d’appeler. Que nous étions parents. Là, tout est un peu flou… D’après les souvenirs de Chéri, il n’a même pas demandé le sexe, trop envahi par l’émotion. Je lui en avais fait la remarque, me moquant gentiment : « Tu ne demandes même pas si c’est un garçon ou une fille ? »

Il a fallu attendre la pause déjeuner, qui arrivait vite, pour qu’on se retrouve. Je le vois arriver dans notre maison jaune, se diriger vers moi et me serrer très fort dans ses bras. Sans un mot. Juste nos larmes pour accompagner cet instant magique qui restera gravé dans nos mémoires…

Deux jours plus tard, nous découvrions le doux visage de notre princesse sur papier glacé… Et l’aventure commençait trois jours après…

En attendant que Chéri rentre du travail, la première personne que j’ai essayé de joindre sans succès est ma BFF. Puis j’ai appelé mon père, suivi de ma soeur…

J’aurais eu envie de le crier sur tous les toits. Comme si, ce jour-là, aucune nouvelle à travers le monde ne pouvait être plus importante que le fait que bordel, enfin, nous devenions papa et maman !!!